Am I a coward? - Réflexion sur l'ambiance française actuelle

Publié le par Angel Bain

Am I a coward? - Réflexion sur l'ambiance française actuelle

Bonjour !

Malgré une activité en dents de scie, ce blog est toujours actif ! J'ai programmé plusieurs articles qui seront publiés à intervalle réguliers, pour pouvoir faire face à mes futures semaines avec un peu plus de sérénité.

J'ai pensé à deux événements tout à l'heure qui me concernent pour différentes raisons, et je me suis rendu compte avec ces derniers à quel point mon rapport à mon pays (la France) avait changé ces dernières années. Les deux événements, les voici : la déclaration d'état d'urgence suite aux attentats du 13 novembre, et la récente déclaration de Marion Maréchal-Le Pen à la Manif pour Tous, qui annonce retirer les subventions de la région versées à des associations "orientées politiquement", c'est-à-dire le Planning Familial et les diverses associations LGBT présentes en PACA.

D'abord, un mot sur chacun des deux événements, et en quoi ils me concernent.

Tout d'abord, les attentats de Paris, lorsqu'ils ont eu lieu le 13 novembre, m'ont évidemment choqué et bouleversé, comme tout le monde ou presque. Et je tiens à dire que c'est normal. L'image qu'on a de la France est d'un pays libre, en paix sur son territoire, et où il règne une sorte de sécurité intrinsèque. Les attentats viennent briser cette image (qui est une illusion ou le réel, peu importe vu qu'on prend une illusion pour le réel de toute manière) et c'est toujours un choc. C'est d'autant plus un choc lorsqu'on vit en France, parce qu'inconsciemment, pour nous, la guerre, c'est loin. La voir débarquer en plein dans notre capitale fait un choc, et c'est normal, et c'est légitime de se sentir mal. On a le droit de se sentir mal même si on ne s'est pas intéressé à d'autres attentats (à Beyrouth ou au Mali pour ne citer que les plus récents). Personnellement, Paris est la capitale de ma région, c'est une ville où je me rend régulièrement, que ce soit pour sortir, pour faire du tourisme, pour voir des amis... J'aurais pu être sur ces terrasses de café et mourir d'une balle. J'écoute du rock et du metal : si le hasard m'avait fait connaître les Eagles of Death Metal, j'aurais pu être parmi ces gens au Bataclan le 13 novembre, qui sont au mieux, traumatisés, au pire, morts.

Aussi l'état d'urgence me semble nécessaire, vital même, le temps de régler le conflit avec Daesch. Cependant, je m'interroge sur les moyens d'action mis en place face à la menace réelle, prouvée, du terrorisme qui n'a pas de frontières. Je m'interroge également sur le fait que cet état d'urgence, rétrécissant la démocratie, ne permet pas de rendre silencieuses certaines voix, laissant la place à d'autres, plus dominatrices et plus écrasantes.

Je pense notamment au fait d'interdire des manifestations. La France est un pays qui s'est construit sur le fait que le moyen de s'exprimer principal pour les groupes et organisations qui ne sont pas des partis politiques (associations, corps de profession, syndicats) est la manifestation et la grève. Je ne dis pas que c'est une mauvaise manière, ni que c'est la meilleure des constructions, simplement que s'en est une, qui diffère par exemple de la tendance "réformiste" que peuvent avoir des syndicats en Angleterre. Ici, dès qu'on a une revendication et qu'on ne fait pas partie de la classe politique, on fait une manif. Dès lors, l'interdiction des manifs résulte en l'impossibilité pour des groupes de s'exprimer sur des sujets qui sont certes moins urgents, mais qui sont présents. Je pense par exemple à une conversation que j'ai eue avec une jeune fille qui fait partie d'une association féministe Lesbienne-bi-trans, qui parlait d'une manifestation annulée. Quelques heures auparavant, j'avais assisté à une commémoration du TDoR (Transgender Day of Remembrance, jour du souvenir trans, en la mémoire des personnes assassinées par transphobie, se tient le 20 novembre en la mémoire de Rita Hester en 1998), et une personne avait évoqué le fait que ces attentats allaient causer l'invisibilisation encore plus importante des enjeux trans.

Et cela, je l'ai constaté avec le deuxième événement : la déclaration de Marion Maréchal-Le Pen au collectif Manif Pour tous, le 23 novembre. Elle a précisément déclaré que des associations comme le Planning familial et les associations LGBT ne seraient plus subventionnées par la région. Les raisons invoquées sont "une meilleure gestion du budget de la région", implicitement : faire des économies. Elle a également dit que ces associations étaient politiquement orientées (comprendre : ayant de fait des positionnements politiques en faveur du Mariage pour Tous et la PMA - pour les associations LGBT - et étant en faveur du choix libre d'avorter quelques soient les conditions - pour le Planning Familial). Enfin, elle a évoqué, concernant l'avortement, une volonté de "responsabiliser les femmes" par rapport à cet acte, en rendant son accès de fait plus difficile, car moins de subventions égal moins de centres de Planning Familial, égal moins d'accès à l'avortement.

Cette déclaration m'a tout d'abord mis en colère (de toute manière toute déclaration du FN a une tendance à me mettre en colère, mais bon, j'apprends à dépasser mon affect). Tout d'abord, parce qu'elle touche à un aspect important de ma vie, étant moi-même LGBT et assigné femme à la naissance, et qu'elle va dans le sens d'une réduction des aides apportées à la communauté LGBT. Il apparaît qu'aider cette partie de la population à avoir une vie digne ne fait pas partie des priorités de nos dirigeants : il est sans doute vrai qu'une personne agressée en France tous les jours à cause de son orientation sexuelle ou identité de genre, qu'une personne mourrant tous les jours de la transphobie dans le monde, ou que le fait que les LGBT ont un taux de suicide 4 fois plus important que les personnes cisgenres hétéros, ça montre sans doute que c'est une population qui n'a aucune difficulté à vivre dans ce monde, et qu'après tout, il y a des problèmes plus graves.

J'ai trouvé également que ces déclarations jouent avec la bêtise des gens. En effet, sur les 40% d'intentions de vote pour Marion Maréchal-Le Pen, je me permets d'espérer qu'une partie n'est pas vraiment au courant de ses déclarations et de la portée qu'elles ont. En effet, le Planning Familial a un rôle très important concernant l'information et l'aide à l'accès à la contraception, ou concernant l'information au sujet des maladies sexuellement transmissibles. Réduire le Planning Familial à une association "politiquement orientée" car apparemment, aider à avoir le choix est politiquement orienté, c'est faire usage de la propension des électeurs à vouloir des réponses simples à des problèmes qui ne le sont pas du tout.

De plus, refuser de se préoccuper, à plus grande ou plus petite échelle, de tels enjeux, y privilégier des thèmes plus "concrets" ou plus "urgents", ou même pire revenir en arrière sur ces sujets par idéologie, est malsain sur le long terme : en effet, construire un nouvel hôpital et subventionner les associations de regroupement des personnes LGBT ne sont pas incompatibles : cela va ensemble. J'aimerais que les citoyens qui élisent nos dirigeants et dont je fais partie comprennent cela, afin qu'ils arrêtent de voter pour des prestidigitateurs qui mettent en valeur des mesures "nécessaires" d'austérité et compagnie, qui impliquent de mettre sous le tapis les politiques sociales. Parce que nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone. Nous sommes des Français autant que vous, et nous voulons tous être considérés comme des personnes autant que vous. Et oui, l'homophobie et la transphobie, c'est très concret, et ça existe, en France comme ailleurs. Je voudrais qu'on arrête de considérer que le chômage et la lutte contre le terrorisme, c'est plus grave. TOUT EST GRAVE. Nous sommes tous importants.

Et c'est pour cela que face aux derniers événements, je me pose cette question, qu'Hamlet se pose déjà en son temps dans un de ses monologues : "Am I a coward?" Suis-je un trouillard ? Est-ce que j'ai raison d'avoir peur face au terrorisme et face à la montée du Front National, l'un voulant pouvant aléatoirement m'exterminer, et l'autre, s'il arrive au pouvoir, pouvant de manière sûre, durablement réduire des droits déjà durement acquis ? A cette question il n'y a pas d'autre réponse que l'avenir, et pour orienter l'avenir dans une direction que je crois sincèrement bonne mais qui ne semble pas être celle prise actuellement, mes armes, mon clavier, mon cerveau, ma voix, ma carte d'électeur et mes prières à l'univers me semblent parfois un peu dérisoires.

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